Analyse des coûts de recharge : Ionity passe enfin à la facturation au kWh, faut-il s’en réjouir ?

Alors que la mobilité électrique poursuit son essor en France et en Europe, les opérateurs de recharge adaptent progressivement leurs offres et leurs modèles tarifaires. Parmi eux, Ionity, acteur majeur de la recharge rapide, a récemment opéré un changement significatif dans sa politique de facturation. Ce virage stratégique soulève de nombreuses questions quant à son impact sur le portefeuille des utilisateurs de véhicules électriques. Examinons en détail ce que cette évolution implique pour les conducteurs au quotidien.

Le nouveau modèle tarifaire d'Ionity : un changement attendu

Le réseau de recharge rapide Ionity, consortium fondé fin 2016 par plusieurs constructeurs automobiles dont BMW, Mercedes, Ford, Volkswagen et plus récemment rejoint par Hyundai, a connu plusieurs évolutions tarifaires depuis sa création. Cette entreprise, qui déploie des bornes haute puissance jusqu'à 350 kW à travers l'Europe, a longtemps fait débat concernant sa politique de facturation.

L'ancien système à la minute et ses limites

Avant ce changement, Ionity appliquait une tarification à la minute qui s'élevait à 79 centimes par minute pour les utilisateurs sans abonnement. Cette approche présentait un inconvénient majeur : elle pénalisait fortement les propriétaires de véhicules dont la capacité de recharge était limitée. En effet, une voiture acceptant une puissance de charge plus faible prenait naturellement plus de temps pour récupérer la même quantité d'énergie, entraînant ainsi une facture plus élevée pour la même quantité d'électricité. Pour réduire ces coûts, Ionity proposait un abonnement mensuel à 17,99 euros permettant de bénéficier d'un tarif réduit à 0,35 euro par minute, mais le système restait intrinsèquement inéquitable.

Les détails du passage à la facturation au kilowattheure

Depuis l'été 2022, Ionity a finalement basculé vers une facturation au kilowattheure en France, modèle déjà adopté dans d'autres pays européens. Cette évolution marque un retour aux sources, car Ionity avait initialement pratiqué une tarification forfaitaire de 8 euros par recharge en 2018, puis était passé à 0,79 euro par kWh début 2020, avant d'opter pour la tarification à la minute en juillet 2020. Le nouveau système introduit deux tarifs distincts selon la puissance des bornes : 39 centimes par kWh pour les bornes de 50 kW et 69 centimes par kWh pour les bornes ultra-rapides de 350 kW. Cette différenciation reflète les coûts d'infrastructure plus élevés des équipements les plus puissants.

Comparaison des coûts avant/après pour les utilisateurs

Le passage à la facturation au kilowattheure représente un changement fondamental dans l'approche économique de la recharge. Cette nouvelle méthode permet une plus grande transparence et équité entre les différents modèles de véhicules électriques, quelle que soit leur capacité à accepter des puissances de charge élevées.

Impact sur les différents modèles de véhicules électriques

Pour les propriétaires de véhicules à architecture 400V ou 800V capables d'exploiter des puissances de charge élevées, le nouveau système peut s'avérer légèrement moins avantageux dans certains cas. En revanche, les conducteurs de modèles acceptant des puissances plus modestes sont les grands gagnants de cette réforme. Auparavant, ces utilisateurs payaient le même tarif à la minute tout en récupérant moins d'énergie. Désormais, ils ne paient que pour l'électricité effectivement consommée, indépendamment du temps passé à la borne. Cette évolution est particulièrement bénéfique pour les véhicules plus anciens ou d'entrée de gamme dont les capacités de recharge sont limitées.

Simulation de recharge avec les nouveaux tarifs

En termes concrets, le coût de recharge avec les nouveaux tarifs Ionity pour 100 km d'autonomie se situe entre 12,42 et 13,8 euros sur les bornes de 350 kW, et entre 7 et 8 euros sur les bornes de 50 kW. Ces chiffres varient naturellement en fonction de la consommation spécifique du véhicule. À titre de comparaison, Tesla facture 69 centimes par kWh pour les utilisateurs non-Tesla avec un coût mensuel minimum de 12,99 euros, tandis que les propriétaires de Tesla bénéficient d'un tarif moyen de 46 centimes. Chez Fastned, autre acteur majeur de la recharge rapide, le tarif standard est de 59 centimes par kWh, réduit à 45 centimes avec un abonnement de 11,99 euros mensuels.

Les options d'abonnement Ionity et leur rentabilité

Face à ces tarifs relativement élevés, Ionity propose diverses formules d'abonnement visant à fidéliser les utilisateurs réguliers et à réduire le coût de leurs recharges. Ces options méritent d'être analysées en fonction de la fréquence d'utilisation du réseau.

Les formules disponibles pour les particuliers

L'offre phare d'Ionity pour les particuliers est l'abonnement Passport, dont le tarif a été ajusté à 11,99 euros mensuels depuis juin 2023. Cet abonnement permet de réduire le prix du kilowattheure de 20 centimes, ramenant ainsi le coût à 19 centimes pour les bornes de 50 kW et 49 centimes pour les bornes de 350 kW. Par ailleurs, les constructeurs partenaires du consortium Ionity proposent généralement des cartes de recharge spécifiques à leurs clients, offrant des tarifs préférentiels sur le réseau. Ces cartes constituent souvent une alternative intéressante à l'abonnement direct Ionity, particulièrement pour les propriétaires de véhicules des marques BMW, Mercedes, Ford, Volkswagen, Audi, Porsche, Hyundai ou Kia.

Quand un abonnement devient avantageux selon votre usage

La rentabilité de l'abonnement Ionity Passport dépend essentiellement de la fréquence d'utilisation du réseau. Avec une économie de 20 centimes par kWh, le seuil de rentabilité se situe autour de 60 kWh consommés mensuellement sur le réseau Ionity. Concrètement, cela correspond approximativement à une recharge complète pour un véhicule disposant d'une batterie de taille moyenne. Pour les conducteurs effectuant régulièrement des trajets longue distance, l'abonnement représente une économie substantielle. En revanche, pour ceux qui rechargent principalement à domicile et n'utilisent les bornes rapides que ponctuellement, la formule sans abonnement reste plus pertinente. Il convient de rappeler que dans plus de 80% des cas, les utilisateurs de véhicules électriques privilégient la recharge à domicile, où l'électricité est significativement moins chère qu'aux bornes publiques.

Ce changement dans le contexte global des réseaux de recharge

Le virage opéré par Ionity s'inscrit dans une tendance plus large d'évolution du marché de la recharge pour véhicules électriques. Cette modification tarifaire doit être analysée à l'aune des pratiques des concurrents et des tendances réglementaires en Europe.

La position d'Ionity face à ses concurrents

Avec ses 672 points de recharge actifs répartis sur 128 stations en France, Ionity occupe une position significative dans le paysage de la recharge rapide. Son réseau, accessible à toutes les marques de véhicules équipés du standard européen CCS, se positionne en concurrent direct des Superchargeurs Tesla, désormais ouverts à presque tous les véhicules électriques dotés d'une prise CCS. L'adoption de la facturation au kilowattheure permet à Ionity de rester compétitif face à Tesla et aux autres opérateurs comme Fastned qui appliquent déjà ce modèle. Pour renforcer sa position, Ionity a engagé un ambitieux plan de développement visant à atteindre 1 000 stations et 7 000 bornes en Europe d'ici 2025, soutenu par des investissements conséquents de ses actionnaires et de nouveaux partenaires comme BlackRock qui a injecté 500 millions d'euros dans l'entreprise.

Vers une harmonisation des pratiques de facturation en Europe

Le retour d'Ionity à la facturation au kilowattheure participe à une harmonisation progressive des pratiques dans le secteur de la recharge électrique en Europe. Cette évolution répond à une demande croissante de transparence et d'équité de la part des utilisateurs. Elle s'inscrit également dans un contexte où l'infrastructure de recharge continue de se développer rapidement, avec près de 150 000 bornes publiques déjà disponibles en France. Le développement de solutions comme le pass Freshmile ou le pass Ulys, qui permettent d'accéder à la quasi-totalité des bornes en France avec un seul moyen de paiement, contribue à simplifier l'expérience utilisateur. Ces initiatives, conjuguées à des politiques tarifaires plus transparentes, participent à réduire l'anxiété liée à l'autonomie, qui constitue encore un frein majeur à l'adoption massive des véhicules électriques, comme en témoigne l'étude révélant que 70% des personnes interrogées préféreraient une voiture électrique si la recharge était facile.

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